Garder contact avec les gens que l’on aime quand on est loin
Solène Bazinet et Émilie Fournier, étudiantes à la maîtrise, Université Laval
Andréanne Gagné, professeure titulaire, Université Laval
Voici un premier article d’une série de quatre portant sur les écrans et les jeunes. Cette chronique a été écrite dans le cadre du projet PISE, financé par le Fonds de recherche du Québec – Société et culture (FRQSC) et mené par Andréanne Gagné, professeure titulaire à l’Université Laval. Chaque mois, nous répondons à une question qui nous a été posée par des parents lors de colloques ou de conférences. Ce mois-ci, nous nous intéressons à l’usage des réseaux sociaux pour ce qu’ils devraient permettre : maintenir des liens sociaux… Bonne lecture!
Question : Nous venons de déménager et nous vivons maintenant éloignés de nos proches. Je m’inquiète, car mon enfant passe des heures dans sa chambre sur son téléphone.
Vivre loin des gens qu’on aime peut être difficile par moment. Que ce soit à la suite d’un déménagement, d’un changement d’école ou parce que la famille vit en milieu rural, nos proches ne sont pas toujours à un coin de rue. Pour garder contact, les réseaux sociaux peuvent donc s’avérer très utiles… et très utilisés.
L’utilisation des réseaux sociaux
Cela vous étonnera peut-être, mais, au Canada, l’utilisation des réseaux sociaux est restreinte aux enfants de 13 ans et plus et, en France, elle est réservée aux personnes de 15 ans et plus (ministère des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative, 2023). Néanmoins, c’est en Australie qu’on retrouve la législation la plus restrictive à l’égard des réseaux sociaux, où 16 ans est l’âge minimum requis (Albanese et Rowland, 2024). Il faut bien se l’avouer, ces restrictions d’âge ne sont pas toujours respectées. En conséquence, de nombreux utilisatrices et utilisateurs des réseaux sociaux sont d’âge primaire ou secondaire et nécessitent un encadrement parental.
Dans la question qui nous a été posée, la présence de l’enfant sur les réseaux sociaux est qualifiée d’active parce que, dans cette situation, les réseaux sociaux permettent à leurs utilisatrices et utilisateurs d’avoir des échanges verbaux ou écrits avec d’autres personnes. Cette utilisation est préférable à une utilisation passive, c’est-à-dire une utilisation qui n’implique pas d’échanges; par exemple, écouter des tutoriels ou des vidéos seul dans sa chambre.
Rester en contact avec son entourage par le biais des réseaux sociaux permettra de maintenir des liens d’amitié, mais il faut tout de même être vigilant pour que le jeune ne dépasse pas la durée recommandée d’usage des écrans, soit deux heures par jour chez les plus de cinq ans. Au-delà de ce seuil, l’écran risque de se substituer à d’autres activités quotidiennes nécessaires au bon développement, comme le sommeil ou l’activité physique, etc. (SCP, 2017).
Est-ce que je dois laisser mon enfant seul dans sa chambre quand il utilise ses réseaux sociaux?
Votre jeune n’aura certainement pas envie de se confier à ses amies et amis…. en direct de la cuisine à proximité de ses parents! Il convient donc de s’entendre sur une utilisation privée dans la chambre lors d’un appel en visioconférence tout en restant vigilant pour connaître le but, l’interlocuteur ou interlocutrice et le temps accordé à cet échange. En effet, comme les jeunes ont des habiletés d’autorégulation en développement (Murray et al., 2015), évaluer combien de temps a été passé sur les écrans est difficile pour vos enfants. Pour favoriser cette autorégulation, il est important que des signaux provenant de l’extérieur leur soient donnés, tels que… des rappels verbaux (souvent répétés!) de leurs parents (SCP, 2017).
D’autre part, bien que vous laissiez le jeune utiliser son cellulaire seul dans sa chambre, il doit demeurer possible pour vous de consulter les échanges que votre enfant y fait pour assurer sa sécurité. Cela peut se faire, par exemple, en demandant à l’enfant de partager les mots de passe nécessaires pour accéder aux réseaux sociaux qu’il utilise.
Utiliser un écran n’est pas toujours négatif
En conclusion, la question de départ a permis d’illustrer comment les réseaux sociaux contribuent à amenuiser l’adage « loin des yeux, loin du cœur », douloureux à vivre lors d’une séparation ou d’un déménagement. Toutefois, il est primordial de comprendre comment les écrans contribuent ou nuisent aux relations sociales de vos enfants afin de pouvoir mieux les guider vers une utilisation saine et équilibrée. Effectivement, les réseaux sociaux représentent aussi des risques…, mais ce sera le sujet d’une prochaine chronique!
Références bibliographiques
Albanese, A. et Rowland, M.(2024). Minimum age for social media access to protect Australian kids. Prime Minister of Australia website. https://www.pm.gov.au/media/minimum-age-social-media-access-protect-australian-kids
Ministère des sports, de la jeunesse et de la vie associative. (2023). Réseaux sociaux, la majorité numérique à 15 ans. https://www.jeunes.gouv.fr/reseaux-sociaux-la-majorite-numerique-15-ans-1674
Murray, D.W., Rosanbalm, K., Christopoulos, C. et Hamoudi, A. (2015). Self-Regulation and Toxic Stress Report 1: Foundations for Understanding Self-Regulation from an Applied
Perspective. U.S. Department of Health and Human Services. https://www.acf.hhs.gov/sites/default/files/documents/report_1_foundations_paper_final_012715_submitted_508_0.pdf
Société canadienne de pédiatrie. (2017). Le temps d’écran et les jeunes enfants : promouvoir la santé et le développement dans un monde numérique. Paediatrics & Child Health, 22(8), 469–477. https://doi.org/10.1093/pch/pxx121