Le respect des droits des élèves HDAA : un état des lieux
Annie Goudreau, adjointe à la recherche et aux services aux parents
Fédération des comités de parents du Québec
Le 6 juin 2018, la Commission des droits de la personne et de la jeunesse (CDPDJ) déposait un rapport contenant 22 recommandations à l’attention du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur.
Cinq ans plus tard, le temps est venu de faire le point et de vérifier sur le terrain si les recommandations ont été suivies, lesquelles sont encore en suspens et lesquelles semblent avoir été ignorées.
C’est pour cette raison que le 8 novembre dernier, la CDPDJ a organisé un colloque réunissant divers acteurs du monde de l’éducation.
Lors de cette journée, force a été de constater que malgré la bonne volonté de tous et chacun, beaucoup de travail reste à faire lorsqu’il est question du respect des droits des élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA).
Retour sur la journée
Du côté des parents, que ce soient les représentants de la Société Québécoise de la Déficience Intellectuelle (SQDI), de la FCPQ ou encore de la Coalition des parents d’enfants à besoins particuliers du Québec (CPEBPQ), le discours est le même : « ça ne va pas bien ».
Les organismes publics et les chercheurs présents sont également du même avis, tout comme les représentants du milieu de l’éducation qui ont clos cette journée riche en émotions (et partage d’opinions!).
Les enfants sont encore et toujours victimes d’évènements d’exclusions (bris de services), les communications avec les parents ne se font pas bien, les parents ne sont pas invités à l’élaboration des plans d’intervention et on leur impose une pression immense (en plus d’un grand fardeau financier!) en exigeant des diagnostics afin de pouvoir offrir des services.
Du côté de la FCPQ, plusieurs des 22 recommandations ont été fortement appuyées et dénoncées comme n’ayant pas encore été satisfaites.
Le Protecteur du citoyen, M. Marc-André Dowd, a même ajouté 11 nouvelles recommandations dans son rapport sorti en 2022, rapport qui ne concerne toutefois que les élèves DAA (sans handicap) du primaire uniquement.
Quant à la parole aux enfants, c’est Mathieu Caron, jeune homme autiste, qui est venu nous parler de son parcours scolaire. À la question « L’école parfaite pour Mathieu, ça serait quoi? » Il a répondu « une école déstigmatisée ». Ça veut tout dire!
Du côté des chercheurs et des universités, les constats ont été un peu plus pragmatiques et nous invitent à réfléchir avec un autre œil.
Julien Prud’homme, de l’Université du Québec à Trois-Rivières a évoqué une possibilité de ségrégation économique en soulignant que les parents « achètent » des diagnostics au privé pour qu’ensuite on place les élèves en classes adaptées parce que celles-ci ramènent de l’argent dans les écoles.
Du côté des Universités Laval et Carleton, les chercheuses Christine Vézina et Laurence Simard-Gagnon ont abordé les communications parfois incomplètes avec les parents qui rendent les possibilités de recours difficiles et complexes parce qu’ils n’ont pas accès à toutes les informations. Elles ont aussi parlé de l’interrelation des droits, faisant référence au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (ça vaut le coup d’œil!).
Enfin, Jean Bélanger de l’Université du Québec à Montréal remarque que la façon actuelle de catégoriser les enfants ne permet à un enfant d’avoir à la fois des troubles de langage et une déficience intellectuelle. On doit choisir un problème ou l’autre, il n’y a pas moyen d’offrir des services pour tout en même temps !
Je vous partage également quelques faits intéressants partagés par les organismes publics :
- À la CDPDJ, depuis le début des années 2000, 642 dossiers d’enquête ayant pour motif la discrimination sur la base d’un handicap ont été ouverts. Ça représente 73% de tous les dossiers reçus pendant cette période de temps !
- Le Conseil supérieur de l’éducation (CSE) et le Centre de transfert pour la réussite éducative du Québec (CTREQ) proposent une trousse à l’attention des équipes-école du primaire et du secondaire et contenant une foule d’informations pour approfondir les réflexions sur les façons de rendre les milieux plus inclusifs. C’est aussi super intéressant pour les parents !
- Le Protecteur national de l’élève, Me Jean-François Bernier, après avoir présenté les services de son organisme, nous a informés que sur le total des plaintes reçues, 13 motifs de plainte étaient en lien avec les élèves HDAA, notamment les bris de services, l’entente de scolarisation, les mesures exceptionnelles et de contrôle et le plan d’intervention.
La journée s’est terminée avec la table ronde des acteurs du réseau scolaire, soit les représentants des syndicats et des associations professionnelles. Très conscients des problèmes dans le réseau, ceux-ci ont tout de même souligné de belle façon les efforts qui sont faits partout, les actions qui sont posées dans les milieux et leurs désirs de voir, eux aussi, les choses s’améliorer pour les enfants HDAA.
C’est sur une note positive que s’est terminée la journée. Après avoir fait état des failles du système et des problèmes relatifs aux droits des élèves HDAA, puis entendu de belles propositions de solutions, les participants sont repartis la tête pleine d’idées et d’espoir.
On se revoit dans cinq ans?