Prévenir et encadrer les mesures de contrôle en milieu scolaire


Annie Goudreau, agente à la recherche et aux services aux parents
Fédération des comités de parents du Québec
Mon bébé a 18 ans et ne va plus à l’école. De l’âge de cinq ans et jusqu’en juin 2024, il fréquentait des classes d’adaptation scolaire, à l’exception de la 1re année où la classe ordinaire avec un T.E.S.-collé-au-derrière a été tentée – sans succès. L’école a toujours été très difficile pour lui : trop de monde, trop de bruit, trop de tout. Et trop souvent, il se désorganisait (« désorganisation », c’est le mot qu’on utilise pour décrire la réponse négative d’un enfant à un « trop-quelque-chose ». En langage courant, on dit souvent « une crise »).
Au cours d’une conversation où nous discutions de son passage au primaire, Fiston m’a dit qu’il n’avait aucun souvenir de ces années, sauf un. Il se souvient très clairement d’un épisode de désorganisation où il a été couché au sol sur le ventre et maintenu en place par trois adultes, qui l’ont ensuite mis dans le « local de repos ».
Il n’arrive pas à situer cet épisode dans le temps, mais un « local de repos », il n’y en avait que dans deux écoles sur les trois fréquentées, et dans les deux cas, il s’agissait d’une pièce fermée et verrouillée avec des murs matelassés.
Alors moi, je devine plus ou moins à quelle époque c’était.
« Plus ou moins », parce que je ne me souviens pas avoir été mis au courant d’un tel épisode de contention.
Oh! J’ai souvenir de nombreux moments de désorganisation, souvenir du « coin repos » à la Harry Potter fabriqué par son éducateur spécialisé de 1re année sous la cage d’escalier adjacente à la classe, souvenir de tous ces coups de fil pour me demander d’aller chercher Fiston à l’école parce qu’il n’arrivait pas à revenir au calme seul ou malgré l’aide offerte.
Mais avant ce jour d’il y a tout juste quelques semaines, je n’avais jamais eu connaissance d’épisodes comme celui dont lui se souvient.
Est-ce que j’en veux à l’école ? Pas du tout. Au contraire ! Ils ont fait ce qu’ils pouvaient, comme ils le pouvaient, sans indications particulières, guides ou règles précises à suivre. Et je n’ai jamais questionné leur façon de faire non plus parce qu’en bout de ligne, je n’avais pas de meilleures idées à suggérer et Fiston, grosse boule de bonheur sur pattes, était toujours heureux et aimait l’école et les membres du personnel autour de lui.
On a été chanceux, très chanceux.
Parce que des enfants qui se désorganisent, il y en a dans toutes les écoles du Québec. Parfois ça se gère avec le regard appuyé de l’adulte, parfois ça prend un peu plus de persuasion et parfois, il faut carrément qu’un adulte (ou deux ou trois!) prenne l’enfant à bras-le-corps pour le maintenir en place.
On appelle ça de la contention.
Mais est-ce qu’ils ont le droit de faire ça, les gens à l’école? Et si oui, qui peut le faire? De quelle façon? Dans quelles circonstances? Et qu’est-ce qu’on dit ou ne dit pas aux parents ?
Les parents et le personnel scolaire demandent depuis plusieurs années un encadrement strict de la marche à suivre face à un enfant en crise. À la fin novembre 2024, le ministère de l’Éducation, en collaboration avec la Fédération des centres de services scolaires, a enfin publié un cadre de référence sur les mesures de contrôle en milieu scolaire.
Destiné à l’ensemble des membres du personnel scolaire, ce document vise à :
- sensibiliser tous les membres du personnel aux enjeux éthiques et légaux concernant le recours aux mesures de contrôle à l’école;
- soutenir le milieu scolaire dans la mise en place d’interventions préventives et éducatives afin de favoriser un climat sain et sécuritaire;
- soutenir le milieu scolaire dans la mise en œuvre de mesures alternatives afin de limiter au maximum le recours aux mesures de contrôle;
- favoriser une compréhension commune en proposant un vocabulaire consensuel lié aux mesures de contrôle.
Il traite également du consentement, de la collaboration école-famille-communauté, du partage des rôles et des responsabilités ainsi que de l’importance de la formation.
Ce long guide, disponible sous forme condensée dans un napperon coloré et accessible, sera présenté, expliqué et diffusé dans tous les centres de services scolaires, toutes les commissions scolaires et – espérons-le – toutes les écoles publiques et/ou privées du Québec.
La prévention, ça passe par la formation, par l’information. Alors, faisons en sorte que plus aucun enfant au Québec n’ait comme unique souvenir de son passage à l’école un épisode de crise!